CHAPITRE 05
Encore me reste-t-il à annoncer à ma mère vous imaginez bien. Vous vous voyez vous à 17 ans annoncer à vos parents que vous arrêtez les cours parce que vous n'avez pas envie de changer de tenue pour aller au bahut ? Moi, je ne m'y vois pas trop. Mais j'ai la chance dans mon malheur d'avoir une maman plutôt compréhensive. Et surtout, qui n'aime pas le privé. Alors je me dis que peut-être que ça jouera son rôle. Je lui raconte donc la nouvelle en rentrant. Elle me demande juste ce que je compte faire. Mais j'en sais rien moi. Je ne veux rien faire. Je veux juste qu'on arrête de m'emmerder. Qu'on me laisse tranquille dans ma chambre avec ma pauvre came, mon petit ordinateur et mes paquets de clopes. Mais bon, si je lui dis ça. Je veux bien qu'elle soit compréhensive, mais elle n'est pas bête non plus. Il faut que je trouve autre chose. Je lui dis juste que je vais y réfléchir. Et que, au pire, je m'inscrirai à des cours par correspondance si je ne trouve rien d'autre.
Les jours passent. Je vis dans une autre vie. En décalage avec tout le monde. J'évite de sortir de ma chambre. Et le stock de médicaments de ma mère commence à diminuer sérieusement. Il faut que je trouve comment faire. Il me faut une solution. Je continue à prendre le train une fois par semaine pour aller voir l'éducatrice qui s'occupe de moi. Et une autre fois pour aller voir le médecin qui cherche une solution encore et toujours pour me sortir de là.
Quelques jours plus tard, on est début Octobre maintenant, je finis par céder et je choisis la solution de facilité qui se propose à moi. Je m'inscris à des cours par correspondance. Le CNED. Je ne sais pas si vous connaissez. L'inscription est faite. Je recevrai dans quelques jours les livres et copies des devoirs à renvoyer une fois faits. En attendant, je vogue, je surf. Je m'attarde sur des sites plus ou moins intéressants. Je fais quelques rencontres par ci par là. Je lis mes commentaires et je passe mon temps à lire les articles des autres. Je les commente. Ou pas. J'écris. Tout ce qui me passe par la tête. Je décris cette vie de merde comme si ce n'était pas la mienne. Je me réveille à 6 heures, je prends un cachet. Et je m'endors vers 2 ou 3 heures du matin. Je crois que l'ordinateur et ma came rythment mes journées, entre deux clopes. Je ne pense plus qu'à ça. Je vis pour ça. Mon état se détériore encore de jours en jours il parait. J'ai perdu 12 kilos ces trois dernières semaines. Ils me disent que je devrai m'inquiéter. Mais je ne veux pas moi. Je n'en ai pas envie. Je suis très bien comme ça. Je vis la vie que je mérite. Celle d'une junkie qui ne sait rien faire d'autre de ses journées que glander. Les heures et les jours défilent sans que je m'en rende compte.
Une bonne dizaine de jours ont passé. Je reçois les livres et les copies qu'on m'avait promis. Je me dis que ça m'occupera peut-être un peu après tout. Que ça me fera changer les idées. On verra bien. Je commence tout de suite. Je prends le livre de mathématiques. Ah oui, j'ai oublié de vous dire, je me suis réinscrite en Première Scientifique puisque c'est que je voulais à la base. Donc, je prends ce livre parce que il n'y a que cette matière qui m'intéresse. Je ne m'occupe pas de la partie exercices, ça ne m'intéresse pas. Je regarde le cours vite fait pour voir ce qu'il raconte. Mais ce n'est pas très passionnant tout ça. Alors je prends le devoir, je le fais. Je vais tout de suite acheter un timbre et le poster. Ca me fait sortir après tout. Je verrai bien si je reçois la correction un jour.
Je retourne chez moi, dans ma petite chambre. Je rallume mon PC, rouvre une nouvelle fois la page de Cow'. Je ne sais pas si vous connaissez ça non plus. Ca fait plusieurs fois que je vous en parle, mais si ça se trouve, ça ne vous dit rien après tout. Pour faire rapide et simple, c'est une plateforme de blogs. J'aurai pu choisir Skyblog, c'est plus connu. Mais j'aime beaucoup moins. L'ambiance n'y est pas la même. Cow' c'est familial, je m'y sens à l'aise. Ca va faire un peu plus de trois ans que j'ai crée mon premier blog là-bas. J'ai arrêté pendant plus d'un an. Avant d'en recréer un autre. Celui que j'ai aujourd'hui. Il n'est pas beau. Il n'est pas intéressant. Il est même pourri je dirai. Mais il raconte ma vie. Il me permet de me sentir bien à un endroit au moins dans ma vie aujourd'hui. Oui, je sais, c'est que du virtuel tout ça. Mais j'ai perdu chacun de mes amis depuis quelques temps maintenant. Trop junkie pour eux d'après ce qu'ils m'ont dit. Alors je me suis rabattue là-dessus. Et puis, après tout, c'est plus sympa. Vous pouvez parler sans que personne ne sache qui vous êtes. Vous faites quelques rencontres sympathiques, qui ne bouleverseront pas forcément toutes votre vie. Mais cela n'empêche rien. Enfin bref. Cow', c'est mon monde à moi. Enfin, non. Le mien, plus exactement, c'est le journal d'un come-back. Ou autre. Ou pas.
Nous sommes maintenant à la mi-Octobre. Et je dois bien avouer que j'ai déjà abandonné l'histoire des cours par correspondance. Enfin, officieusement bien sûr. Ma mère n'en sait trop rien. Mais le devoir de Maths de la dernière fois sera le seul qu'ils auront avec mon nom dessus. Pas assez intéressant. Enfin non, pas assez motivée. Tant pis. Une autre fois. Autre chose. Aujourd'hui, comme tous les autres jours bien évidement. Je surf. Je me sens à plat ces derniers jours. Les cachets m'épuisent et je vais vraiment finir par tomber en rade si ça continue ainsi et que je ne décide pas à me bouger. Sinon, j'ai fait la rencontre il y a deux mois à peine d'une M'sieur sur cow'. Il est sympa. Il est différent. J'aime bien comment il écrit. Il a un «coeur de pierre» dans ses liens. Allez savoir pourquoi. Ce nom me dit quelque chose. Je l'ai déjà vu quelque part. Alors je clique dessus. Et c'est là que je réagis. Bien sûr que je l'ai déjà vu. Ce n'est pas la première fois que j'y vais. Et puis, tout à l'heure, dans mes mails, il y avait son nom aussi dans un des commentaires. Je serai conne de vous dire que cette personne a l'air gentille. Je ne la connais pas après tout. Et puis de toute façon, vous vous en fichez un peu. Et puis, là, tout de suite, maintenant, je suis tirée de mes pensées par la sonnerie de mon téléphone... «Appel Omar»...
MAYBE. OU PAS .